Congrès Mondial des Études sur le Moyen-Orient et l'Afrique du Nord
Barcelone du 19 au 24 Juillet 2010
< NOT_DEFINED backto RÉSUMÉ DES PANELS· NOT_DEFINED institution: CEPED-Université Paris Descartes (France)
· NOT_DEFINED organizer: Sébastien Boulay
· NOT_DEFINED language: Français
· NOT_DEFINED description: Depuis plusieurs décennies, on observe de par le monde une multiplication d’aires protégées (parcs nationaux, réserves de Biosphère, forêts classées, …), qui constituent la version la plus institutionnelle de biens collectifs que l’on a pris l’habitude de nommer « patrimoines naturels », version qui s’oppose bien souvent aux conceptions indigènes de ces échantillons de nature. C’est seulement en 1992 que la Convention sur la Diversité Biologique pose pour la première fois la question de la répartition équitable des bénéfices issus de la biodiversité et enjoint les Etats à impliquer davantage les communautés locales dans la gestion et le contrôle de l’accès aux ressources, en prenant davantage en compte leurs savoirs et leurs usages de la nature. Ce basculement vers des modèles de conservation de la nature insistant sur le caractère indispensable de la reconnaissance des savoirs, pratiques et droits des communautés résidentes sur ces espaces protégés, reste jusqu’à présent difficile à mettre en pratique, en particulier dans des pays en développement, comme nous proposons de le montrer à travers l’exemple du Parc national du Banc d’Arguin, situé sur le littoral atlantique de la Mauritanie. Le PNBA a été créé en 1976 dans le but de protéger des colonies d’oiseaux migrateurs qui venaient y passer l’hiver. Il couvre une superficie de 12 000 km2 et un tiers de la côte atlantique mauritanienne, comporte une moitié maritime et une moitié terrestre, de climat saharien. L’institution du Parc est chargée, outre la conservation de la zone protégée, du développement économique des communautés locales, qui représentent environ 2000 individus, pêcheurs imrâgen ou pasteurs installés dans l’arrière-pays littoral. Malgré une certaine spécialisation maritime, les Imrâgen se caractérisent par des relations sociales et économiques très fortes avec les familles de pasteurs et par la place très grande qu’occupe la culture bédouine dans leurs terminologies naturalistes et technologiques.
Depuis quelques années, le PNBA est confronté à de nouveaux enjeux qui compliquent fortement la mise en ouvre de ses missions : surexploitation halieutique, pression touristique, achèvement d’une route reliant le Maroc au Sénégal et qui longe la limite est du Parc, accélération des flux de populations dans le Parc et à sa périphérie. Ces éléments s’ajoutent aux difficultés du Parc à mettre en place un système efficace de gestion participative de l’aire protégée, à réguler l’exploitation de ses ressources halieutiques de telle sorte que celle-ci n’accroisse pas les inégalités socio-économiques, à tenir davantage compte des écologies indigènes dans ses stratégies de conservation. Ce panel vise, à travers l’exemple de cette Aire Marine Protégée souvent présentée comme une institution « modèle » en Afrique, d’une part, à examiner les mécanismes d’érosion culturelle et d’exclusion sociale qu’une aire protégée peut déclencher et, d’autre part, à interroger la capacité des aires protégées, qui sont aujourd’hui face à des enjeux complexes, à impliquer effectivement les communautés locales dans la gestion de leur milieu naturel. Cette double question sera abordée à travers quatre communications.
Chair: Francisco Freire (Universida de Nova de Lisboa FCSH-UNL)
Paper presenter: Hélène Artaud (Laboratoire d''anthropologie sociale, Paris), « Une éthique imrâgen de la conservation a-t-elle existé ? »
En 2003, l’écologue R. Johannes formulait dans un article la question suivante : «une éthique autochtone de la conservation a-t-elle existé» En dépit de l’extraordinaire engouement ces dernières décennies pour la « gouvernance participative », les savoirs écologiques traditionnels (SET) semblent encore relégués à un rôle de second plan. Le PNBA, -pourtant présenté en Afrique de l’Ouest comme une réussite de gestion communautaire- n’échappe pas à ce paradoxe. Volonté délibérée ou regrettable omission, l’écologie des pêcheurs Imrâgen n’a jamais éveillé l’attention qu’à titre de curiosité folklorique. Est-ce à dire qu’il n’existe pas d’ « éthique imrâgen de la conservation » ? Ou simplement qu’elle a été ignorée ? Nous proposons ici un bref examen de ces questions.
Paper presenter: Khadijetou Seneh (Université du Havre), « Impact d'une nouvelle route transsaharienne sur les représentations et les usages de l'aire protégée »
La construction, en 2004, d’une route longeant la frontière orientale du PNBA, a largement facilité son accessibilité. D’une part, la route a généré une croissance des flux (pêcheurs, pasteurs, migrants sub-sahariens, touristes) tout en accentuant un phénomène de sédentarisation au sein du PNBA et de ses périphéries, difficile à maîtriser. D’autre part, elle a permis à la population locale une facilité d’accès aux services de base (santé, eau, écoles) et aux marchés. Ainsi cette nouvelle situation provoque-t-elle aujourd’hui des réactions contradictoires : la crainte d’une dégradation de l’environnement et l’espoir d’améliorer le développement local. Autant de phénomènes et d’enjeux qui structurent l’espace en modifiant les rapports avec le territoire, les systèmes d’exploitation des ressources naturelles et l’occupation des sols.
Paper presenter: Sébastien Boulay (CEPED-Université Paris Descartes), «La tradition imrâgen, ultime recours pour concilier conservation et développement au Parc national du Banc d'Arguin ? »
Depuis le milieu des années 1990, le Parc et ses partenaires présentent et utilisent la « tradition » à la fois comme un verrou d’accès aux ressources naturelles protégées et comme un levier de développement économique. Notre communication analysera la pertinence de ce discours à travers les questions suivantes: A quelle invention/redéfinition des traditions locales oblige ce type de démarche? Quelles conséquences a-t-elle sur le groupe censé détenir ces traditions? Quelles mutations techniques, économiques et sociales occulte-t-elle? Est-elle effectivement une garantie d’exploitation « durable » et « juste » des ressources de l’aire protégée ?
Paper presenter: Mohamed Fall Ould Bah (Centre d'Etudes et de Recherches sur l'Ouest saharien), «La question de la gouvernance au Parc national du Banc d'Arguin: représentations et usages des coopératives villageoises»
L’objet de la présente communication est de s’interroger sur comment une instance administrative qui n’échappe pas à de fortes suspicions de corruption, «coordonne» l’utilisation de ressources essentiellement extérieures dont les pourvoyeurs exigent le recours à certaines formes d’organisation (coopératives, par exemple) pour «promouvoir» / imposer des principes de régulation et de préservation d’un milieu fragile auprès d’une population essentiellement étrangère aux objets et institutions promus par les deux autres parties. Ne s’établit-il pas un «malentendu opératoire» entre les trois parties grâce auquel chacune travaille à l’«optimisation» de son «profit»?