Congrès Mondial des Études sur le Moyen-Orient et l'Afrique du Nord

Barcelone, du 19 au 24 Juillet 2010

 < NOT_DEFINED backto RÉSUMÉ DES PANELS

Les esprits du changement. Représentations maghrébines du rapport nature-culture: le cas des jnoun (018) - NOT_DEFINED activity_field_Panel
 

· NOT_DEFINED institution: Departament d'Antropologia Social i Cultural, Universitat Autònoma de Barcelona (Espagne)

· NOT_DEFINED organizer: Josep Lluís Mateo Dieste

· NOT_DEFINED language: Français

· NOT_DEFINED description: Depuis les dernières décennies, le Maghreb a vécu d’importantes transformations socioéconomiques qui concernent le rapport entre société et environnement et les structures sociales: bio-médicalisation des corps, industrialisation de l’agriculture, sédentarisation des nomades, urbanisation de la campagne et « ruralisation » de la ville, nouveaux projets touristiques : Quel est l’impact de ces processus de changement sur les systèmes locaux de représentation des humains (notions de personne) et du rapport des humains avec la nature, les animaux ou des êtres comme les jnoun (génies)? Dans le cadre de ce panel nous encourageons la présentation de recherches qui permettent de réfléchir sur l’influence de ces changements sur le monde symbolique en interaction avec le champ politique et écologique. Une des figures centrales dans les systèmes traditionnels de représentation qui articulent le rapport nature-culture au Maghreb est celle des jnoun, les génies reconnus par l’Islam. De manière générale, les propos sur le rapport nature-culture au Maghreb ont du mal à dépasser le postulat posé par la religion musulmane d’une différence radicale existant entre l’essence des humains et celle des animaux et des végétaux. Or, nous verrons que la référence aux jnoun nuance et complique nettement ce point de vue. La figure des jnoun est plurielle car ces derniers jouent un rôle important dans la vie quotidienne des Marocains, dans des domaines aussi divers que le traitement du corps et de maladie, l’organisation des structures rituelles et économiques de la gestion de l’environnement (comme l’institution coutumière de mise en défens des forêts, l’agdal), ou encore les procès les plus récents de réislamisation. Loin de disparaître du monde des représentations et des pratiques quotidiennes et rituelles, la figure des jnoun est de plus en plus sollicitée dans des contextes contemporains et retrouve de nouvelles significations dans le cadre des procès de changement. À partir de ce constat, l’objectif du panel est de discuter autour de cas ethnographiques marocains le défi que lancent la résilience et l’évolution de la figure des jnoun aux modèles théoriques statiques prônant les paradigmes classiques de l’opposition tradition-modernité, religion orthodoxe-religion populaire et enfin nature-culture.

Chair: Pablo Dominguez Gregorio (Departament d’Antropologia Social i Cultural, Universitat Autònoma de Barcelona/ Laboratoire d’Anthropologie Sociale, Paris/ Laboratoire Population-Environnement-Développement, Marseille)

Discussant: Josep Lluís Mateo Dieste (Departament d'Antropologia Social i Cultural, Universitat Autònoma de Barcelona)

Paper presenter: Laurent Auclair (IRD, Laboratoire Population Environnement Développement –LPED/Université de Provence, Marseille, France), «Des jnouns dans les fissures: nouveau regard sur l’art rupestre du Haut Atlas marocain»
Dans le Haut Atlas marocain, les gravures rupestres datant de l’Age des métaux (1er et 2ème millénaire avant notre ère) se concentrent autour des pâturages d’altitude gérés aujourd’hui encore selon la pratique de l’agdal pastoral. Cette pratique contemporaine s’inscrit dans un cadre rituel et symbolique où la référence aux «gens de l’Autre Monde», les Jnouns, occupent une place centrale. On attribue à ces puissances invisibles peuplant le monde souterrain des pouvoirs surnaturels favorisant le renouvellement de la vie (pluie et fécondité). Cette communication montre la place centrale accordée au monde souterrain (fissures, grottes) dans certaines représentations rupestres anciennes. Elle suggère une nouvelle interprétation des thèmes récurrents de l’art rupestre en référence aux représentations et aux pratiques contemporaines des pasteurs de l’Atlas.

Paper presenter: Pablo Dominguez Gregorio (Departament d’Antropologia Social i Cultural, Universitat Autònoma de Barcelona, Espagne/Laboratoire d’Anthropologie Sociale, Paris, France/Laboratoire Population-Environnement-Développement, Marseille, France), «La religiosité locale dans le développement et la conservation»
Mon hypothèse principale est que le système symbolique et plus spécifiquement sa manifestation dans le cadre de la tradition religieuse, est un élément indissociable à la fois qu’autonome, de la gestion collective des pâturages d’altitude au Haut Atlas, l’agdal. Si on veut comprendre pleinement l’agdal et sa capacité de développement socio-économique et de conservation des ressources naturelles, les systèmes juridique, technique, économique et écologique sur lesquels il repose, ne peuvent être amputés conceptuellement de sa dimension symbolique et religieuse en perpétuelle transformation, dont les jnouns font aussi pleinement partie. En effet, celle-ci apparaît, hier comme aujourd’hui, cause et effet partiels de la gestion réelle des ressources et donc de l’état actuel des écosystèmes du Haut Atlas.

Paper presenter: Josep Lluís Mateo Dieste (Departament d'Antropologia Social i Cultural, Universitat Autònoma de Barcelona), «Jnoun, réislamisation et rituels de santé»
Dans l’étiologie islamique, plusieurs afflictions psychosomatiques sont attribuées à l’intervention des jnoun. Les rituels et les techniques destinés à contrôler ces interventions comprennent des formes orthodoxes et hétérodoxes, souvent assimilées à des spécialistes masculins et féminins. Mais la réislamisation des trois dernières décennies a provoqué le succès de certains rituels considérés plus fidèles au texte, comme la roqya, destinés à tempérer l’action des jnoun. À travers des récits de possédés et de guérisseurs, je vais discuter certains aspects de ce phénomène: l’ontologie attribuée aux jnoun comme miroir inversé des humains ; la tiède frontière qui sépare les humains et les génies, et la difficulté analytique de la caractériser d’après la dichotomie naturel-surnaturel.

Paper presenter: Romain Simenel (LPED- Laboratoire Population, Environnement et Développement / IRD Marseille, France), «Quand les djinns sèment le doute dans l’ordre des apparences: Un contrepoint animiste dans l’ontologie analogique marocaine»
Les propos sur le rapport nature-culture au Maghreb ont du mal à dépasser le postulat posé par la religion musulmane d’une différence entre l’essence des humains et celle des animaux et des végétaux. Cependant, l’exposé qui va suivre s’attelle à démontrer que la référence aux djinns, aux génies dans la tradition musulmane, nuance et complique nettement ce point de vue. Nous montrerons tout d’abord que l’ontologie analogique des groupes berbérophones du Sud Marocain repose sur un quadrillage précis de l’espace selon lequel prend sens la catégorisation des êtres et des choses. Dans un deuxième temps, nous verrons qu’il arrive bien souvent que les humains rencontrent des animaux qui ne sont pas à leur place habituelle. Ces rencontres inopportunes brouillent les correspondances entre catégorie et bousculent ainsi l’ordre des apparences. L’exposé montrera au final comment l’équilibre entre ces deux modes de perception des animaux est instauré par la référence à l’action et à la pensée rationnelle des saints et des prophètes.